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Discours vernissage de l’exposition à Balma |CHILD| Discours vernissage de l’exposition à Balma – Amina N'Diaye Leclerc

Discours vernissage de l’exposition à Balma

Mesdames et Messieurs, Bonsoir Je tiens à remercier la ville de Balma, et plus particulièrement Monsieur le Maire, pour son accueil dans ces lieux.   Au moment où le monde entier fête les 50 ans d’indépendance des pays africains, cet hommage au Sénégal, rendu par la ville de Balma , me touche d’autant plus que ma démarche picturale, s’inscrit dans la mémoire de ce contexte des indépendances. Par ailleurs, l’actualité nous interpelle puisqu’un discours néo-conservateur tente de réhabiliter l’entreprise coloniale en gommant tout simplement la souffrance des peuples colonisés. Pour vous aider à comprendre ma démarche artistique je vais rappeler une page d’histoire.   En 1960, Mamadou Dia dirige le tout premier gouvernement du Sénégal indépendant, avec à ses côtés mon Père Valdiodio N’Diaye. Depuis 1958, avec la Loi Cadre, ils portent l’espoir de tout un peuple et jusqu’en 1962,ils bâtissent une nation en affirmant leur volonté de préserver les intérêts nationaux, même si ces intérêts dérangent l’ex-colonisateur. C’est d’ailleurs à cette époque que le Sénégal avait souhaité s’affranchir des bases militaires françaises. ( Ces mêmes bases qui doivent quitter le sol sénégalais cette année! )   Malgré ses faibles ressources, ce gouvernement axe sa politique sur le développement de l’éducation et de la santé. Sur le plan économique,les ressources étant rares, il devient primordial pour eux de développer des cultures vivrières et de prendre en considération les revendications des populations paysannes. ( Vous aurez fait le lien aujourd’hui avec la dépendance économique et les émeutes de la faim en Afrique ).   Très vite, en décembre 1962, compte -tenu de ses choix politiques qui définissaient dans les actes une véritable indépendance, ce gouvernement est éliminé du pouvoir.   Mamadou Dia , le Président du Conseil, Valdiodio N’Diaye et 3 autres ministres sont injustement incarcérés à Kédougou, suite à un procès inique. Ils passeront 12 ans en prison dans la solitude la plus totale au mépris du respect des droits fondamentaux.   Partout en Afrique, seront maintenus des dirigeants soucieux des intérêts de l’ex-colonisateur au détriment des intérêts nationaux. «Tout changer pour que rien ne change, être indépendant certes, mais dans la dépendance économique et culturelle.»   Valdiodio N’Diaye est considéré aujourd’hui comme l’un des Pères de l’indépendance du Sénégal. C’est lui qui a pris le micro devant de Général de Gaulle le 26 août 1958, lors de sa tournée en Afrique pour le référendum qui proposait « La Communauté» aux Etats africains. Avec courage, alors que Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia avaient préféré s’absenter, il a réclamé l’indépendance pour son pays.   Cette histoire méconnue des indépendances, je l’ai relatée dans un documentaire intitulé «Valdiodio N’Diaye et l’indépendance du Sénégal »  et aujourd’hui on la retrouve dans ma peinture. C’est la clé qui définit mon engagement.   Cette phrase de Jackson Pollock m’a interpellée:«La peinture est un état d’être ... Et peindre c’est se découvrir soi-même. Tout bon peintre peint ce qu’il est.»   L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire, il est un moyen d’émouvoir un grand nombre de personnes en partageant une expérience commune, en refusant le mensonge et l’oppression, d’où qu’elle vienne.   Ma peinture relate l’enfermement .   Vous verrez parfois des formes d’écritures abstraites, elles représentent le lien avec l’extérieur, les collages de végétaux renvoient aux arbres que les détenus ont plantés.   Peu ou pas de mouvement, c’est la lenteur, c’est un temps infini de solitude dans un pénitencier qui figure souvent de façon abstraite dans la plupart de mes oeuvres. Elles sont toutes encadrées de blanc, le blanc, couleur qui évoque le deuil dans ma mythologie personnelle.   Je tiens à délivrer un message d’espoir. Des fenêtres s’ouvrent dans mes oeuvres, la lumière s’y engouffre, elle explose même.   Cinquante ans d’indépendance c’est aussi l’heure des bilans.   La presse a dressé un tableau accablant de l’état de paupérisation de l’Afrique. Pour nuancer cet afro-pessimisme ambiant je dirai que 50 ans au regard de l’échelle de l’histoire c’est peu. Combien de temps a-t-il fallu à l’Europe pour instaurer la démocratie?   50 ans d’indépendance, au regard de 500 ans de passé colonial et de Traite des Noirs, c’est peu. On décime des populations, on les maintient en état de soumission et ensuite on s’étonne qu’elle aient du mal à se reconstruire!   Toutes les compétences des Africains seront déployées le jour où les élites auront compris qu’on ne doit pas devenir politicien pour s’enrichir sur le dos des masses laborieuses mais pour mettre en oeuvre un idéal et qu’il est préférable d’investir son savoir, son énergie et ses ressources sur place, dans son pays. Toutes les compétences des Africains - disais-je - seront déployées le jour où les élites auront compris – et là je vais reprendre un article du Monde – « Qu’il est choquant de voir, dans n'importe quelle ville africaine, la coexistence entre le grand nombre de 4 x 4 de luxe, et l'usage d'un moyen de transport qui remonte au néolithique, la tête des femmes. »   Cela signifie que les élites, au prix d'une violence extrême exercée sur les populations, s'emparent des ressources du pays, les exportent, et dépensent les recettes ainsi dégagées en achetant à l'étranger des biens d'une totale inutilité sociale. Ils ruinent les pays en pompant la force de travail des corps subalternes qui sont réduits à la misère.   La réponse de la partie la plus dynamique de ces populations, c'est la fuite, les pirogues vers l'Europe. »   On peut s’interroger sur le fait que les pays d’Afrique les plus riches en minerais aient des populations aussi démunies que les pays les plus pauvres. En ce moment le Niger est à la Une de l’actualité. Aréva exploite l’uranium et le Niger fait partie des pays les plus pauvres du monde. Elf dégage des profits immenses tandis que les populations du Gabon se battent pour survivre.     Il faudrait enfin après 50 ans d’indépendance, faire confiance aux Africains pour qu’ils trouvent par eux-mêmes leurs solutions, qu’ils s’affranchissent de la tutelle néo-coloniale, des réseaux France-Afrique et qu’ils puissent choisir des dirigeants intègres en toute liberté, avec des élections transparentes pour bâtir une vraie démocratie.   Et j’affirme que les Africains sont capables de se projeter dans l’avenir! ( là je fais allusion au discours de Nicolas Sarkozi prononcé à Dakar en 2008 ) Les Africains font montre d’une grande créativité, ils ont des facultés exceptionnelles d’adaptation à leur environnement oh combien difficile. Ce qui les soutient c’est ce sens de l’humanisme, cette solidarité existante et cette lutte perpétuelle pour la vie. Heureusement la presse joue un rôle majeur pour dénoncer avec courage les injustices. Le tam-tam africain avec son corollaire le téléphone portable fait avancer la démocratie : savez-vous qu’au Sénégal, grâce au téléphone portable, les élections n’ont pu être truquées? Le peuple est devenu plus fort et refuse d’être à la traîne du développement économique.     Je vais terminer par l’exergue de mon prochain film cette citation de Patrice Lumumba qui, comme on le sait tous, a été sauvagement assassiné:" Un jour, l’histoire aura son mot à dire, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseigne à l’ONU, à Washington, Paris ou Bruxelles, mais l’histoire qu’on enseignera dans les pays libérés du colonialisme et de ses marionnettes. L’Afrique écrira sa propre histoire. Une histoire faite de gloire et de dignité ". La dignité et le respect, c’est ce que revendiquent tous les Africains, aujourd’hui comme hier. Pour finir je commenterai la phrase de Josef KI Zerbo: «Pour aller de l’avant il faut savoir d’où l’on vient.» Se réconcilier avec son histoire, révéler les faits du passé ce n’est pas faire oeuvre de polémique gratuite, c’est permettre aux générations futures d’avoir des repères pour forger leur propre identité. Je vous remercie de votre accueil   Amina N’Diaye Leclerc  

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